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Les origines de la maison de Pierrepont au IXème siècle

Contribution au Chapitre 1 - Une base de travail

Les origines de la maison de Pierrepont au IXème siècle

samedi 18 juin 2005, par Geoffroy de Pierrepont

De 732 à 987, la région de Laon est sous influence directe de la famille royale carolingienne et à ce titre à la fois le théâtre des affrontements des descendants de Charlemagne et des pillages des Northmen, les "hommes du nord" attirés par les richesses qu’elle recèle.

Au cours de la seconde moitié du IXème siècle, les incursions normandes de plus en plus régulières et l’insécurité qu’elles procurent scellent peu à peu le destin de la dynastie, et la conquête du pouvoir royal par les comtes de Paris.

Toutefois la Couronne sort très affaiblie de ce "siècle de fer", et pendant les deux siècles qui suivent, le pouvoir féodal appartient aux grands et au premier d’entre eux, le Duc de Normandie.


Du martyre de Saint-Boëtian au chapître de Pierrepont, l’édification du Petrus Pons

Peu aprés la chute de l’empire romain, un noble irlandais, Boëtian devient ermite à Pierrepont à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Laon, au milieu des marais de la Souche. Cet ascète est massacré par des barbares voisins que ses prêches indisposent le 22 mai 668. Depuis, ce jour du calendrier est consacré à son pélerinage. Ses reliques seront conservées pendant onze siècles à Pierrepont d’abord par un chapître de douze chanoines dépendant de l’évêque de Laon, puis en l’église paroissiale.

Au VIIIème siècle un pont de pierre - Petrus Pons - est contruit par ces ecclésiastiques sur la vieille chaussée gauloise qui mène de Laon à Aix-la Chapelle et Mayence, centres du pouvoir Carolingien.

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La formation du comté de Champagne
Carte extraite du remarquable ouvrage de thèse du Pr Bur "La formation du comté de Champagne" Bibliothèque Nationale, malheureusement épuisé (source BNF, consultation libre)
Au milieu des marais, cet ouvrage important se situe donc sur une route stratégique. Aux marches des domaines des Herbertiens, non loin de la zone d’influence des premiers comtes de Paris, le chapître de Pierrepont, est placé sous la protection de l’évêque de Laon. Notons qu’à cette période les charges ecclésiastiques de Laon sont fréquemment dans la maison carolingienne : Hildegarde de France, fille de Louis le Pieux est à l’instar des autres reines de France abesse de Laon. Le petit neveu d’Hildegarde : Roricon, fils de Charles le Simple est évêque à la moitié du siècle, et c’est un autre évêque carolingien Adalbéron, issu de Lothaire qui scellera le sort de la dynastie en trahissant son cousin pour Hugues Capet.

Les invasions normandes en Laonnois, la fondation de la forteresse de Pierrepont

C’est au moins à deux reprises en 880 et 892, que des normands venus du Danemark et de Norvège pillent la région. Leur influence est méconnue mais au moins lors de la seconde incursion, le pouvoir Carolingien entame un changement de stratégie vis à vis des pillards et commence à privilégier à l’inefficacité de la force, l’assimilation. Le viking Hunédée accompagné des siens, a peut-être saisi cette occasion de s’installer dans la féodalité chrétienne. C’est à cette période qu’est inaugurée la nouvelle stratégie carolingienne qui vise à faire des normands un rempart contre les incursions d’autres normands et qui a été rendue célèbre par le traité de Saint-Clair sur Epte (911). Près de 20 ans plus tard, ce traité entérine l’installation de Rollon sur l’estuaire de la Seine, en échange de sa protection du royaume, de sa conversion par le baptême et de sa promesse de mariage avec Gisèle, fille du roi Charles alors âgée de 4 ans.

Il est possible, sans pouvoir vraisemblablement jamais être confirmé, qu’entre 892 et 919, baptisés par Didon, évêque de Laon, des normands vivant déjà en Neustrie depuis une génération, ou récemment venus d’York, s’installent avec la charge d’officier chargé de la garnison de la forteresse que le prélat à fait construire pour garder Laon au Nord-Est. Les païens baptisés se trouvent alors également gardiens dans le "castrum de PetraePontis" des reliques de Saint-Boétian et de ses douzes chanoines.

Hugh(ca897-919/) devient est alors le premier Châtelain de Pierrepont cité par les chercheurs de la LSC entre 904 et 919

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Les Carolingiens du Xème siècle
Pour sauver leur couronne malgré leurs querelles dynastiques, les derniers Carolingiens s’allient avec les chefs normands.

Le laonnois, enjeu du changement dynastique

Une autre hypothèse situe la fondation de la première dynastie de Pierrepont entre 926 et 933. A la mort du comte Roger (+926), le pouvoir temporel se délite à Laon : Herbert de Vermandois réclame l’héritage pour son fils, et le roi Raoul, gendre de robert comte de Paris le lui refuse. Ce dernier, maître de Laon aprés 931, pourrait avoir installé des alliés normands dans la forteresse, d’autant plus qu’Herbert conserve la citadelle de Laon jusqu’en 938. C’est en 933, que Guillaume Longue-épée prête serment au roi Raoul, en échange duquel ce dernier lui cède le Cotentin et l’Avranchin et que l’on dit Geoffroi fait chevalier par le Duc.

En revanche il est peu probable que le début du règne de Louis IV soit le moment de l’installation de la première dynastie de Pierrepont. Tant l’emprisonnement du jeune duc Richard Ier à Laon jusqu’en 945, que l’exil de l’évêque Raoul pro-carolingien à Pierrepont lorsque Gerberge doit livrer Laon à Hugues, comte de Paris rendent difficile la survie de châtelains normands dans la région. Leur intérêt n’aurait pas été d’accorder l’asile au prélat à Pierrepont. Donc soit l’installation est antérieure, et les châtelains normands de Pierrepont se sont retirés dans quelque terre de Neustrie pour une génération de 942 au début de l’épiscopat d’Aldabéron (977), soit leur installation est postérieure au couronnement d’Hugues capet. Nous penchons plutôt pour une installation dans le premier tiers du siècle, et une absence prolongée d’une petite quarantaine d’années jusque vers 977, retour du pouvoir capétien dans la région.

Toujours est-il que lorsque le roi Louis IV, fait prisonnier des normands d’Harald à la Dent bleue à Rouen est livré à Hugues le Grand en 944. Gerberge doit livrer Laon au Robertien. L’évêque Raoul, proche du carolingien, s’exile alors et fait de Pierrepont le siège de l’évêché.

Les fils de Pierrepont, païens convertis, suivent probablement les usages matrimoniaux locaux en s’alliant à l’entourage des dynasties franques permettant à ces dernières de renforcer par interdépendance leur contrôle sur les nouveaux châtelains barbares. Si on considère les normands de Pierrepont alliés du Robertien, on comprendrait que l’évêque Adalbéron n’accède au printemps 979 qu’avec beaucoup de mesure à la demande de l’abbé de Saint-Vincent qui réclame la dépouille de Saint-Boëtian. Les châtelains scandinaves de Pierrepont semblent parvenus à s’imposer au milieu de l’aristocratie des francs gràce aux robertiens.

Officiers normands bâptisés et installés comme vassaux des évêques de Laon sous l’influence des maisons carolingiennes en déclin ; alliés objectifs des Comtes de Paris et parents des Vikings de Normandie, telles sont selon toute vraisemblance les origines des sieurs et châtelains de la première dynastie de Pierrepont en Laonnois confirmés dans ce premier fief dès l’aube du Xème siècle.

A lire également sur ce sujet, la contribution savante de Stéphane Lecouteux sur la diffusion du prénom Enguerrand et l’origine des Pierrepont



P.-S.

Pour en savoir plus :
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Chronologie du rôle de la place de Laon dans le changement dynastique au siècle de fer

>Chronologie résumant le rôle tenu par la place de Laon dans le changement dynastique.

- Les générations mythiques de la première dynastie de Pierrepont.

Sources de l’article : in 1872 : Henri Congnot, doyen du chapître de Soissons ; D. Lelong :

Boëtian, compagnon de Saint-Gobain et disciple de Saint-Fursy était un noble irlandais. Il se retira à Pierrepont, village situé à quinze kilomètres de Laon (Aisne). La vie pauvre et austère qu’il mena dans la solitude donnait de l’autorité à ses discours ; mais quelques barbares irrités de la liberté avec laquelle il s’élevait contre leurs vices, le tuèrent le 22 mai 668. Ses reliques furent recueillies avec soin et placées dans l’église du village qui l’adopta pour patron. Douze chanoines desservaient cette église. La crainte des Normands les obligea au IXème siècle de se réfugier en l’abbaye de Saint-Vincent de Laon et ils emportèrent avec eux le corps de Saint-Boëtian ; mais il revinrent ensuite à Pierrepont où l’évêque Didon avait fait bâtir un château fort pour y garder les reliques du Saint dans une chapelle dédiée à la Sainte Vierge. Ce château fût occupé jusqu’au XIIIème siècle par des seigneurs alliés des comtes de Rethel et de Roucy. Lorsque le château eut été ruiné, le chapître des chanoines de Saint-Boëtian s’éteignit, et les restes du Saint furent transportés en l’église paroissiale contigüe au château. La révolution française, qui a profané ou détruit tant de reliques n’a pas porté ses mains sacrilèges sur celles de Saint-Boëtian. L’église de Pierrepont les vénère toujours aujourd’hui (1872) renfermées dans une châsse dans laquelle on distingue très bien la tête. Le reste du corps est enveloppé dans un voile de soie. Les pièces authentiques sont enfermées dans une boite de fer blanc - Saint-Boëtian est surtout invoqué pour la guérison des petits enfants malades ou qui ont de la peine à commencer à marcher. Il est l’objet d’un pélerinage. Les fidèles des paroisses voisines viennent vénérer ses reliques le jour de sa fête, le 22 mai, et pendant toute la neuvaine.

in Melville, dictionnaire historique du département de l’Aisne : p.211 seq. :

Perrepont, petrapons en 938, etc - Village de l’ancien Laonnois, bâti près des marais de la souche, sur la vieille chaussée gauloisede laon à Mézière, à 15km au N-E de Laon, autrefois de l’intendance de Soissons, des baillage, élection et diocèse de Laon, aujourd’hui du canton de Marle, arrondissement de Laon, diocèse de Soissons<....>Ce village parait d’ailleurs devoir son origine à un chapître de douze chanoines qui y fut fondé au 7ème siècle pour garder les reliques de Saint-Béotian<...>mis à mort en 668.<...>au 9ème siècle, les normands ayant ruiné le chapître de Pierrepont, Didon, évêque de Laon, pour le mettre à l’abri de nouveaux malheurs, le reconstruisit au milieu des marais et l’entoura de solides murailles. Dés-lors, tous les partis se dispurèrent ce poste presqu’imprenable. Hughes, duc de Paris s’en empara en 938 ; Louis d’Outre-mer le lui reprit l’année suivant

Le grand Atlas de l’Histoire mondiale, Encyclopedia Universalis, Albin Michel

in Ch-Paul Marie dans son précieux article "Autour d’Anne-Jacqueline de Pierrepont", Revue du département de la Manche, n°116 - janvier 1987, "j’ai trouvé à la bibliothèque patrimoniale de France, sous le sceau de la bibliothèque royale des notes précisant que la Maison de Pierrepont ne peut être considérée que comme tirant son origine de Norvège"

Lire également nos questionnements sur le fief de Gonneville (en particulier la localisation en Cotentin ou en Auge)


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