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Dans la mesnie des Comtes de Surrey

Dans la mesnie des Comtes de Surrey

Quels liens entre Pierrepont et Varenne ?

samedi 10 novembre 2007, par Nicolas Stephant


Il se pourrait bien que l’homme prénommé Robert par le Domesday book [1] et qui détient la terre de Herst dans le Sussex ne soit autre que Robert de Pierrepont, combattant d’Hasting avec Guillaume de Varenne. Bien que le Domesday se contente de donner son prénom seul, d’autres indices d’occupation de cette terre nous prouvent de manière satisfaisante qu’une lignée d’homme de ce nom l’a bien occupée pendant au moins 300 ans peut-être même en ligne masculine directe (bien qu’il ne soit pas rare qu’une femme épouse un homme qui "relève" son nom plus prestigieux que le sien comme nous l’avons vu avec Alix de Pierrepont et Hugues de Montfélix) ; Ainsi une charte du prieuré de Lewe pour Guillaume de Warren, troisième seigneur du Surrey, est attestée par Hugues, Robert et Guillaume de Pierrepont en 1146 qui pourraient bien être les fils de notre Robert. Ce prieuré se trouvant tout près de la terre de Herst dans le Sussex et au centre de la puissante seigneurie fondée par Guillaume de Varenne après la conquête. Nous savons aussi que cette terre de Herst va devenir Hurst-Pierpoint à l’époque moderne [2].

Il se trouve que cette terre de Herst est parmi celles qui sont les plus étendue et les plus riche du Sussex parmi celles qui sont données à un "subtenant" ; autrement dit peu de monde, sinon personne, n’est mieux doté que Robert dans cette région à part les grands barons du royaume et les établissements religieux ce qui fait forcément de lui une personne qui compte parmi les vassaux de Guillaume de Varenne. William Smith Ellis [3] décrit en détail l’étendue de ces possesions et déclare que Robert et Geoffroy de Pierrepont réunissaient à eux deux 9000 acres de terres alors que William de Poynings, probablement fils de Renaud de Pierrepont, en détenait 4000. Si on ajoute à cela l’étendue des terres déjà énumérées sur ce site par Geoffroy de Pierrepont et qui se trouvaient, cette fois, dans le Suffolk (et pour les mêmes trois personnes toujours sous Guillaume de Varenne) on se trouve en face d’un patrimoine impressionnant qui prouve au moins une position dominante dans l’entourage du grand feudataire qu’était Guillaume de Varenne. La duchesse de Cleveland [4] avait également noté l’étendue des possesions du Suffolk et la position éminente que cette famille devait occuper auprès de Guillaume de Varenne. Vu l’importance du domaine, il est même normal de se demander si il n’existe pas un lien de famille entre Robert de Pierrepont et Guillaume de Varenne ; les situations de ce genre sont en effet très fréquente et Varenne lui-même doit surement sa position éminente auprès du duc à une parenté plus ou moins proche avec la famille régnante. Nous pouvons d’autre part avancer l’hypothèse que Robert et Geoffroy de Pierrepont cités par le domesday sont les mêmes Robert et Geoffroy qui font aumône de la dîme de Cuverville à l’abbaye du Tréport [5] à l’occasion de sa fondation par le comte d’Eu en 1059. Ces derniers étant vassaux d’Oylard de Cuverville pour ce lieu. Nous nous sommes longtemps demandé comment deux chevaliers récompensés en Angleterre par Guillaume de Varenne pouvaient se retrouver être vassaux indirects du comte d’Eu en Normandie (Oylard de Cuverville est l’un des barons du comte d’Eu). La chose n’est toutefois pas incompatible surtout si l’on considère, d’abord, la proximité géographique des comtés d’Eu et des terres de la famille de Varenne, ensuite, la situation singulière du village de Pierrepont en Grandcourt, probablement pile à la frontière entre les deux. Nous pensons, en effet, qu’ils étaient vassaux importants de Guillaume de Varenne dans cette région et qu’ils avaient des possessions mineures dépendantes d’autres seigneurs comme, par exemple, Oylard de Cuverville, baron du comté d’Eu.

Grandcourt (qui comprend à présent le village de Pierrepont) est même le siège d’une des baronnies du comté d’Eu (plus tard, l’un des fils du comte d’Eu en sera même le titulaire). L’abbé Decorde [6] nous précise que Grandcourt est aussi une place importante de la famille de Varenne et qu’il devait s’y trouver une forteresse. Il devait être curieux de voir s’articuler une telle proximité entre deux centres de pouvoir de deux grands seigneurs et l’on s’étonne moins de la multiple appartenance des de Pierrepont qui vivent probablement au milieu de ce carrefour entre deux grands domaines. Etant donné leur position en Angleterre auprès de leur seigneur, on les voit mal jouer un rôle moindre auprès de lui dans les temps précédant immédiatement la conquête, c’est pourquoi il semblerait logique qu’ils aient joué un rôle de premier plan à Grandcourt en tenant cette forteresse pour les Varenne par exemple. Ceci reste toutefois à prouver, d’abord parce que l’abbé Decorde tire son information du "record of the house of Gournay" [7] et que celui-ci ne cite pas ses sources, ensuite parce que nous n’avons pas d’autres documents citant les de Pierrepont de cette époque en Normandie. Si toutefois, cela était vrai, nous serions à nouveau en droit de nous demander si une telle position auprès de Guillaume de Varenne n’a pas une origine familiale. William Smith Ellis défend cette opinion dans son article du Sussex archeological, s’appuyant sur une filiation émise par Stapleton puis par Eyton dans "antiquities of Shropshire » ; Geoffroy, oncle de Guillaume de Varenne, serait le père de Robert et Geoffroy de Pierrepont et peut-être aussi de Renaud. Nous ne savons pas ce que vaut cette hypothèse...qui risque fort de ne pas résister à la vérification.

Les armes des de Pierrepont de Herst semblent avoir été : "azure a chief chequy or and gules" comme on le trouve dans le blason de Edmund Ufford époux de Sibilla Pierpoint ce qui rappelle le pavage du blason des Warren comme le note William Smith Ellis qui a recherché d’autres blasonnement de ce type parmi les 19 vassaux des Warren sous le règne de Richard Coeur de lion et n’en a trouvé aucun autre. Si les Pierreponts avaient adopté le pavage dans leurs armes à cause d’un simple lien féodal ils en seraient donc le seul exemple. Ce qui pourrait être un autre indice en faveur du lien familial entre les deux familles. Il faut toutefois se méfier des blasons car ils n’ont pas été adoptés de manière régulière tout de suite et il semble que les armes des Warren soient une reprise de celles de la famille de Vermandois à la suite du mariage de William de Warren avec Isabelle de Vermandois assez longtemps après la conquête de l’Angleterre. Si le blason des Pierrepont de Herst est issu de celui des Varenne il ne peut donc avoir été adopté qu’après ce mariage.

Le lien de famille ne peut être prouvé par manque de documents, mais il y a des indices dans ce sens et les liens familiaux expliquaient souvent telle ou telle position dans l’entourage des grands seigneurs en particulier celui du roi Guillaume le conquérant qui avait eu, dans sa jeunesse, de nombreuses raisons de se méfier des seigneurs étrangers à sa famille. Un comportement qui semblait être de mise à l’époque dans son royaume et parmi ses vassaux et qui avait le double avantage de mieux garantir la fidélité et d’accomplir son devoir envers les membres moins fortunés de sa famille. Pour poursuivre l’exploration dans cette voie, le domesday book nous apportera peut-être des précisions sur la famille de Grandcourt qui est également possessionnée en Angleterre sous Guillaume de Varenne et dont il pourrait-être intéressant d’examiner les relations éventuelles avec les Pierrepont.

Nicolas STEPHANT




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